Du 14 mars au 21 juin 2015, la Fondation Cartier pour l’art contemporain a le privilège de présenter la première exposition majeure de l’artiste américain Bruce Nauman à Paris depuis plus de 15 ans. Pour cette occasion, l’artiste a sélectionné une série d’œuvres récentes, présentées pour la première fois en France à côté d’installations plus anciennes.
L’ensemble représente un large éventail des mediums explorés tout au long de sa carrière et reflète l’attention très particulière que Bruce Nauman porte à l’environnement immédiat entourant ses œuvres et à l’implication physique et sensible des spectateurs. Œuvres immersives, les pièces exposées résonnent avec le bâtiment de la Fondation Cartier et accentuent le contraste entre les espaces d’exposition transparents du rez-de-chaussée et ceux, plus fermés, de l’étage inférieur.
Bruce Nauman est l’auteur d’une œuvre qui apparaît comme une pierre angulaire du vocabulaire plastique contemporain, à travers son exploration du corps, du langage et de la performance, et qui fait de lui l’un des artistes contemporains les plus influents de notre époque. Souvent décrite comme conceptuelle ou minimaliste, cette œuvre protéiforme résiste à la classification. Né en 1941 à Fort Wayne (Indiana), Bruce Nauman étudie les mathématiques et la physique à l’université du Wisconsin puis obtient un Master of Fine Arts à l’université de Californie en 1966. Très vite, il abandonne la peinture pour se consacrer à la sculpture, à la performance, à l’installation et à la vidéo. Il établit d’abord son studio en Californie, puis s’installe à la fin des années 1970 au Nouveau Mexique où il vit et travaille encore aujourd’hui. Il expose pour la première fois en galerie en 1966 à Los Angeles, puis deux ans plus tard à la Leo Castelli Gallery à New York. Le Los Angeles County Museum of Art et le Whitney Museum of American Art à New York organisent conjointement sa première exposition majeure en 1972-1973. Depuis, son œuvre a fait l’objet de nombreuses expositions et rétrospectives dans des institutions de premier plan, notamment au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, à la Whitechapel Gallery à Londres et à la Kunsthalle Basel (1986-1987). En 1993, le Hirshhorn Museum àWashington organise une rétrospective avec le Walker Art Center (Minneapolis) et le Museum of Modern Art à New York, qui est ensuite présentée à Madrid, Los Angeles et Zurich (1993-1995). Quelques années plus tard, le Centre Pompidou à Paris, le Wolfsburg Kunstmusem, la Hayward Gallery à Londres et le Museum of Contemporary Art Kiasma à Helsinki organisent ensemble une exposition de ses films, néons et installations (1997-1998). Invité en 2004 à concevoir un projet pour le Turbine Hall de la Tate Modern à Londres, Bruce Nauman crée la vaste sculpture sonore Raw Materials. Plus récemment, il représente les États-Unis lors de la Biennale de Venise en 2009 et reçoit le Lion d’or de la meilleure participation nationale. Bruce Nauman expose pour la première fois à la galerie Sperone Westwater à New York en 1976 et continue d’y présenter régulièrement ses œuvres.
Présentée pour la première fois en France à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, cette sélection d’installations multimédia, d’œuvres sonores et de sculptures rend compte de la nature protéiforme de la pratique artistique de Bruce Nauman. Au rez-de-chaussée, l’artiste joue avec la transparence et l’immatérialité du bâtiment : vides en apparence, les espaces extérieurs et intérieurs contiennent trois œuvres récentes particulièrement saisissantes. Dans le jardin, la pièce sonore For Beginners (instructed piano) (2010) invite les visiteurs à découvrir un enregistrement de l’artiste et musicien Terry Allen jouant du piano, sa partition se composant d’une liste d’instructions de Bruce Nauman relatives au placement des mains du pianiste sur le clavier. La grande salle d’exposition accueille Pencil Lift/Mr. Rogers l’œuvre la plus récente de Bruce Nauman (2013). Diffusée sur un grand écran LED aux proportions spectaculaires, l’image semble ainsi flotter dans l’espace transparent du rez-de-chaussée. Avec Pencil Lift/Mr. Rogers, l’artiste poursuit son exploration des actions physiques et de la gestuelle des mains en particulier : de simples actions effectuées du bout des doigts avec des crayons dans son studio se transforment en signes ambivalents et illusions d’optique, jouant sur des sensations de tension et d’équilibre.
Dans la salle adjacente, la voix de Bruce Nauman répète inlassablement « For children » (pour les enfants) : malgré l’apparente simplicité de ses moyens, l’œuvre sonore For Children/Pour les enfants (2015) atteint une complexité insoupçonnée, à mesure qu’apparaissent et se mêlent des références aux notions de jeu, d’éducation et de dépassement des barrières physiques et mentales. Adaptée par l’artiste pour l’exposition, la pièce sera présentée pour la première fois en anglais et en français.
À l’étage inférieur, trois sculptures multimédia à la présence physique percutante insufflent à l’exposition de nouvelles perspectives visuelles. Avec l’installation vidéo Anthro/Socio (Rinde Facing Camera) (1991), la figure humaine apparaît pour la première fois dans le parcours de l’exposition : répétée sur six moniteurs et trois écrans de projection, elle accueille frontalement le visiteur dans la première salle. Rinde Eckert, chanteur et artiste performer, répète haut et fort plusieurs séries de mots (« Feed Me/Eat Me/Anthropology » par exemple, trad. nourris-moi/mange-moi/anthropologie) et confronte les spectateurs au désir ontologique de l’Homme d’entrer en relation. Face au visage de Rinde Eckert, la sculpture Carousel (Stainless steel version) (1988) emporte dans sa ronde, démembrés et suspendus par le cou, des moulages d’animaux – daims et lévriers. Certains d’entre eux raclent le sol, emplissant l’espace d’un son obsédant. En guise de conclusion, la dernière salle de l’exposition accueille l’installation vidéo Untitled (1970-2009), créée à l’origine pour la Biennale de Tokyo en 1970 puis revisitée pour la participation de Bruce Nauman à la Biennale de Venise en 2009. Suivant les instructions données à l’avance par l’artiste, deux danseurs tournent au sol dans le sens des aiguilles d’une montre jusqu’à épuisement. Profonde méditation sur l’écoulement du temps, l’œuvre rappelle par ailleurs les premières œuvres de l’artiste dans lesquelles il cartographiait son studio par les déplacements de son corps.
Cette exposition, spécialement créée pour la Fondation Cartier, offre une occasion unique de découvrir certaines des œuvres les plus marquantes de Bruce Nauman de ces deux dernières décennies. Elle révèle également le lien rarement exploré entre ses pièces les plus abstraites – vidéos et œuvres sonores centrées sur une exploration de la voix et du corps humains – et ses installations monumentales, chargées de références spirituelles et environnementales.