Ado-artiste né en 1984, Théo Mercier appartient à cette génération pour qui la notion même de « cliché » n'a aucun sens. Alors qu'une vidéo moche d'un chien qui parle peut totaliser 150 millions de visionnages sur youtube, et récolter 600 00 like, qui peut encore se revendiquer artiste ? Bousculés depuis quelques décennies par la « réconciliation joueuse de l'art et de la vie » qui connaît son acmé dans le marketing des produits de luxe, beaucoup d'artistes contemporains avaient choisi l'escalade mimétique : en boostant les atours de leurs pratiques (grâce à Cibachrome, Photoshop, DayGlo ou Carlson et Co.), ils parvenaient à accrocher une larme des sunlights. Sans même avoir besoin d'y penser, Théo Mercier a opté pour la voie inverse ; il exacerbe au contraire les automations et les contradictions de la société spectaculaire jusqu'à l'épiphanie de leur potentiel artistique. Il retourne en somme le précepte de McLuhan ; avec lui le message est devenu le medium.
Cette nouvelle exposition parisienne permet d'apprivoiser le point auquel Théo Mercier a conduit son oeuvre. Elle fait suite à deux solo shows de grande envergure (Desperanza, Lille 3000, 2012 et Le Grand Mess, Lieu Unique, Nantes, 2013). Après un début de carrière sidérant (il a commencé à exposer ses oeuvres il y a 4 ans à peine), Théo Mercier commence à délaisser les sculptures hybrides (mix d'hyper et d'hypo-réalisme, à la manière du Solitaire, 2010) qui, touchant le spectateur au plus intime, l'ont fait immédiatement connaître. Dans cette exposition, seul le monumental Grand Public, groupe de fantômes très familiers (qui flanqués de lunettes de soleil, qui coiffés d'un entonnoir ou d'oreilles de Mickey, qui sirotant un soda.), perpétue véritablement de cette veine. Plutôt, les sculptures sont des accumulations, ou plus précisément des collections, d'objets ready-made peu ou aucunement modifiés, à l'image des briquets illustrés de Trois cents filles les plus chaudes de la planète ou des récifs d'aquarium de Fantasmes de pierres. En écho au Talisman peint par Sérusier sous l'influence de Gauguin en 1888, Théo Mercier semble en passe de le prouver : l'art, après tout, est essentiellement une surface courbe recouverte d'objets en un certain ordre assemblés.