Le programme de La Galerie s'articule désormais autour d'un axe de recherche annuel. Développé sur une saison, il fédère l'ensemble de l'activité du centre d'art : expositions, événements, médiation, résidence d'artiste, éditions... Cette saison, consacrée aux « formes des affects », est bordée par deux expositions collectives qui se feront écho : « Bonjour tristesse, désir, ennui, appétit, plaisir » et « Adieu tristesse, désir, ennui, appétit, plaisir » avec, entre les deux, une exposition personnelle de Laura Lamiel et pendant neuf mois, la résidence de Nicolas Momein.
Les affects qualifient un état intérieur chargé d'émotions, ils mobilisent ou immobilisent le sujet affecté, et, dans les deux cas, le transforment. Ils déterminent ainsi une capacité à toucher et à être touché et donc à agir ou à réagir, à influencer le monde. Les trois expositions de la saison réunissent des oeuvres pour lesquelles l'implication affective et subjective de l'auteur est perceptible, où les affects prennent forme et où ils manifestent des positions de grande proximité entre l'auteur et sa recherche, entre l'artiste et son oeuvre, dans une relation parfois exclusive. Aborder l'art sous cet angle, c'est chercher à comprendre comment ils sont des facteurs d'immersion dans la relation au travail, c'est placer la question du point de vue au coeur de cette relation, les affects constituant un moyen de repérer la place investie par l'auteur comme celle qu'occupe le spectateur.
« WORK HERE ! » disait John from Cincinnatti (dans une série tv éponyme), en frappant son coeur de son poing fermé et en regardant son interlocuteur droit dans les yeux. C'est ce geste que je cherche dans les oeuvres de cette exposition, ou au moins sa direction, son intention, son intensité. C'est un geste qui situe le lieu de départ du travail du côté du coeur. Le coeur n'est pas nécessairement l'amour, plus simplement peut-être, il est le lieu où peut se situer une relation intime de l'auteur à son travail, c'est-à-dire une relation qui place le sujet à l'origine du travail, qui est sous-tendue par une forme d'expérience intérieure et qui s'énonce à la première personne. Je cherche des manifestations de la présence de l'auteur, - sur des plans physique, émotionnel, discursif. - les signes de son implication, les indices d'une relation de proximité, voire de trop grande proximité, celle qui empêche toute distance critique, et qui peut même générer un sentiment d'exclusion de la part de celui qui est en face, le spectateur. Car si les oeuvres témoignent de l'implication de l'auteur, si elles manifestent une charge affective, quelle place proposent-elles au spectateur ? Aborder les oeuvres sous le prisme des affects, n'est-ce pas ouvrir la possibilité de prendre le spectateur par les sentiments, de l'affecter, au risque de l'exclure ou de le manipuler ?
J'ai souhaité élargir le propos de cette exposition à l'ensemble du centre d'art ainsi qu'au journal de l'exposition : en déplaçant l'atelier pour les publics dans une des salles d'exposition, je parie que le travail de médiation mené sur place avec des enfants (deux classes par jours en moyenne), influe sur la perception de l'exposition des autres visiteurs. Ou encore, en invitant l'ensemble de l'équipe à écrire sur les oeuvres dans le journal de l'exposition, à l'occasion d'un atelier d'écriture, je souhaite rendre perceptible leurs différents points de vue, énoncés depuis leurs expériences respectives en tant que professionnels de l'art et faire ainsi varier les types d'écritures sur les oeuvres. Cette exposition porte en germe un programme au long court, elle est également l'occasion de présenter le centre d'art sous tous ses aspects.
Emilie Renard, directrice de La Galerie.
Ruth Buchanan et Andreas Müller, Guillaume Désanges, Florence Doléac, Lola Gonzàlez, Thomas Hirschhorn, Jirí Kovanda, Laura Lamiel, Anna Principaud, John Smith, Benjamin Swaim.