Céline Cléron porte un regard encyclopédique sur le monde, elle croise les univers et les époques, le paléolithique comme le dix-huitième siècle. Elle compose avec les phénomènes observés dans la nature des œuvres hybrides associant jeux de mots et de formes. Un ensemble de procédures multiples lui permettent de métamorphoser les choses inanimées et les êtres vivants. L’artiste travaille parfois à quatre mains et interpelle les compétences artisanales et les savoir-faire les plus divers : costumière de la Comédie Française, apiculteur, taxidermiste...
Elle aime à contrarier le vivant tel un Darwin fantasque qui s’adapterait au milieu choisi ou à la situation donnée et répondrait plastiquement à ce théâtre d’expérimentation. Elle change artificiellement le cours inéluctable des choses et des mots, en détournant le vivant et la matière. Céline Cléron court-circuite les clichés: dans une de ses vidéos, elle met à mal le Loup et met en scène des chèvres qui dévorent en la léchant l’effigie du carnassier que l’artiste a sculpté dans un gros bloc de sel. Ses jeux de glissements sémantiques et visuels lui permettent de travailler à partir d’un large choix de matériaux et de supports : sel, rince-doigts, tissu, cire, ballons, fossiles, dessin, photographie, vidéo ; l’œuvre Sans titre, la filme expérimentant l’improbable association d’une énorme motte de beurre et d’un fer à repasser d’autrefois chauffé à blanc...
À l’occasion de son exposition personnelle à la galerie LJ, Céline Cléron présentera notamment une nouvelle série de dessins sur ballons de baudruche initiée en 2000 dont l’éclatement systématique révèle des microcosmes poétiques. Quelques dessins préparatoires des projets en cours illustreront la réalisation de certaines des sculptures présentées comme ce cactus « vaudou » à vocation couturière dont les piquants sont retournés contre lui-même ou ces étranges ready-made de curiosité : le silence des sirènes montrant un ensemble de gros coquillages criblés de trous laissant apparaître en négatif des cercles parfaits, résultat d’une ancienne action mécanique réactivée à cette occasion. La pièce Sleeping Beauty est un bracelet de couturière sur lequel sont piqués comme suspendus dans leur vol des insectes naturalisés. La Manufacture Nationale de Sèvres en a d’ailleurs réalisé une très belle édition numérotée en porcelaine émaillée No Spring till now, 2007. (Coproduction Guillaume Priest) Enfin, la Régente se présente comme l’aboutissement d’une longue démarche dont l’idée provient d’un glissement homonymique et visuel du mot –ruche- qui désigne à la fois un abri aménagé pour recevoir une colonie d’abeilles et un grand col de dentelle alvéolé que les nobles au XVIe et XVIIe siècle portaient autour du cou. Cette œuvre exposée sous vitrine révèle une forme hybride oscillant entre monstruosité et préciosité.