Galerie / mfc-michèle didier
Ludovic Chemarin© / Identités
en présence de Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux

16/04/2015
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Photographies / Communiqué de presse

mfc-michèle didier poursuit son engagement auprès d’une création conceptuelle et post-conceptuelle ou selon les us de chacun, néo-conceptuelle — la définition de l’art conceptuel, malgré son aspiration à définir l’art, n’ayant jamais été précisément arrêtée, celles des terminologies des courants émanant de ce dernier le sont encore moins. En effet, outre la sensibilité conceptuelle assumée de la ligne éditoriale de la maison d’édition, la galerie mfc-michèle didier après la radicale présentation de AB de Philippe Thomas en mai 2014, accueille du 17 avril au 16 mai 2015 Ludovic Chemarin©.

Le symbole du Copyright accolé au nom de Ludovic Chemarin rappelle d’ailleurs le ® de la fameuse agence les ready-made appartiennent à tout le monde® créée par Philippe Thomas en 1987. Cependant, alors que cette agence se reconnaît dans une forme de fictionnalisme, en effet l’artiste n’a jamais déposer officiellement la marque de son activité, le projet se cantonnant ainsi à la sphère artistique, Ludovic Chemarin©, nous allons le voir, s’inscrit dans une réalité administrative et juridique bien concrète.

En 2011, les artistes Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux achètent contractuellement l’œuvre et le nom de l’artiste Ludovic Chemarin, après que celui-ci ait décidé en 2005 de mettre fin à sa carrière. Ils en poursuivent depuis l’exploitation sous le nom de Ludovic Chemarin© qui expose en France et à l’étranger, participe à des conférences, donne des entretiens, fait l’objet de recherches et d’articles.

Ludovic Chemarin© est un projet inédit dans l’histoire de l’art, subversif et radical il questionne les limites du droit et remet en cause les usages et pratiques de la création contemporaine dans un contexte artistique en pleine crise.

Projet & artiste, artiste & projet, Ludovic Chemarin© interroge, en effet, des notions fondamentales de l’art: le statut de l’auteur, la définition de l’œuvre originale, la valeur de la signature ou du geste de l’artiste mais aussi les différents temps et processes de la création que sont conception, production et monétisation.

Résolument conceptuelle et juridique, cette approche critique, dans la droite ligne d’artistes comme Marcel Broodthaers ou Philippe Thomas, occupe cependant volontairement l’espace officiel de l’art, nécessaire terrain d’expérimentations, par la production d’œuvres suivant des protocoles et des systèmes de déclinaisons bien spécifiques.

Mais qui est Ludovic Chemarin? Ou serait-il plus correct de poser la question ainsi: qu’est donc Ludovic Chemarin©?

Raphaëlle Jeune dans son texte Ludovic Chemarin©: artiste génétiquement modifié1 nous éclaire à ce sujet et explique les étapes successives de la création de l’entité Ludovic Chemarin©. Le statut de l’objet à identifier est annoncé dans l’introduction de son article, il s’agirait d’une «œuvre-artiste-marque». Cette «créature brandée» est un produit imaginé par deux artistes. Leur idée de départ serait d’acheter ensemble un autre artiste, et de continuer à travailler à sa place, rien de moins.

Un cahier des charges est défini par le duo pour une recherche de l’artiste idéal, tels deux entrepreneurs en quête d’une société en faillite. Mais comment devenir propriétaire d’un artiste? L’objectif est d’acheter non pas l’être humain mais l’existence d’auteur de l’artiste: son auctorialité, c’est-à-dire statut et ses qualités d’auteur, sa puissance créatrice. «Pour parvenir à leurs fins, Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux ont dû recourir à quelques subterfuges contractuels et une hybridation astucieuse du droit d’auteur et de celui de la propriété industrielle» indique Raphaële Jeune.

Voici comment les deux associés ont procédé: «L’artiste idéal une fois trouvé et conquis, en la personne de Ludovic Chemarin, celui-ci a procédé au dépôt d’une marque à son nom auprès de l’Institut National pour la Propriété Industrielle (INPI), avant de céder cette marque à Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux. Dans le même mouvement, sur le terrain du droit d’auteur cette fois, Chemarin cédait à Beguet ses droits patrimoniaux sur chacune de ses œuvres, la plupart subsistant uniquement sous forme d’archives photographiques. Puis Damien Beguet cédait à son tour partiellement ces mêmes droits à P. Nicolas Ledoux, à raison de 50%. Ces procédures accomplies, Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux pouvaient enfin exploiter sous la marque Ludovic Chemarin© l’identité artistique de Ludovic Chemarin, en réactivant ses œuvres réalisées autrefois et en en produisant de nouvelles.»

L’artiste devient ainsi dans les faits une marque à promouvoir. Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux mettent le doigt ici sur une condition d’existence subie par bon nombre d’artistes engloutis par un marché de l’art aujourd’hui globalisé. Philippe Cazal, également édité par la maison d’édition en 1995 avec Factice, avait d’ailleurs envisagé la chose dès les années 1980 en commandant à l’agence Minium son logo éponyme. mfc-michèle didier s’intéresse décidément aux artistes de marque.

L’exposition Identités par Ludovic Chemarin©

L’exposition Identités à la galerie mfc-michèle didier sera tout d’abord l’occasion de présenter une des pièces centrales du projet de Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux, l’ensemble des contrats de cessions établis depuis 2011 avec Ludovic Chemarin. Cinq sérigraphies permettront, par ailleurs, de retracer les étapes décisives de la formulation de l’entité Ludovic Chemarin©: la signature des contrats chez Ghislain Mollet-Viéville, le dépôt à l’INPI par Ludovic Chemarin de la marque Ludovic Chemarin©, la première exposition de Ludovic Chemarin© à La BF15 à Lyon, la réalisation du portrait officiel de Ludovic Chemarin© et, enfin, la cession du dessin de La signature de Ludovic Chemarin et de son droit de reproduction.

Les deux derniers épisodes ci-dessus mentionnés, celui de la réalisation du portrait officiel et de la cession du dessin de La signature, sont tous récents et correspondent à l’aboutissement du processus de transmission d’identité activé en 2011 par les artistes: l’exposition Identités rend compte de cela.

Identités présentera ainsi le dessin original de La signature de Ludovic Chemarin, pièce unique et précieuse. Avec ce dessin, dont Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux possèdent désormais le droit de reproduction, les deux artistes vont pouvoir renforcer leur appropriation de Ludovic Chemarin de façon significative et quasi absolue. Il est entendu que l’ensemble des œuvres conçues par l’artiste du temps de son activité, de 1998 à 2005, a été cédé avec la marque. Il est question de pouvoir maintenant poursuivre l’exploitation de la «puissance créatrice» de l’artiste en faillite.

C’est ainsi que la pièce chaise-bouée de l’ancien Chemarin sera présentée mais dans une version réactualisée par Ludovic Chemarin©: celle d’une sculpture augmentée et recontextualisée. À l’heure où l’exposition de Jeff Koons bat tous les records de fréquentation à Beaubourg, il y a une certaine forme de provocation, ici, de remettre au goût du jour une pièce de Ludovic Chemarin© en s’emparant de l’accessoire-médium fétiche de l’artiste américain, l’objet gonflable, mais pour le projeter dans un univers improbable et décalé. Malgré une allure pop induite par la présence de la bouée, cette pièce rappellerait étrangement l’organisation formelle et intellectuelle de l’une des œuvres étendards de l’art conceptuel One and Three Chairs de Joseph Kosuth. La pièce historique montre l’objet chaise, l’idée de la chaise — sa définition linguistique — et la représentation photographique de celle-ci: tout est question également ici d’identité déclinée.

Sera présenté en parallèle, un produit dérivé de la sculpture — un dessin préparatoire, genre très apprécié du marché de l’art, ici avec ironie, post-préparatoire et réalisé en numérique.

Le catalogue de Ludovic Chemarin© occupe une place primordiale dans l’exposition. Il est considéré comme un geste manifeste pour Damien Beguet et P. Nicolas Ledoux. En effet, ce projet éditorial est conséquent: 288 pages de textes et de documents, reproductions d’œuvres, — tiré à 800 exemplaires. Son lancement aura lieu le soir du vernissage d’Identités, le jeudi 16 avril 2015.
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