Fondation d'Entreprise Ricard
« Pragmatismus et Romantismus, Les matériaux du possible »

27/01/2009
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Photographies / Communiqué de presse

« Pragmatismus et Romantismus, Les matériaux du possible »

Une proposition d'Anne Bonnin

Avec Dove Allouche, Katinka Bock, Isabelle Cornaro, Daniel Dewar et Grégory Gicquel, Franziska Furter, Giuseppe Gabellone, Alicja Kwade, Guillaume Leblon, Manfred Pernice, Évariste Richer, Stéphane Vigny

Pragmatismus et Romantismus associe deux notions antagonistes, correspondant à deux attitudes : Pragmatismus privilégie l'expérience et l'action, les conditions concrètes de production des oeuvres ; sous le signe de l'ironie et de la contradiction, Romantismus voit toutes choses en double : la mort dans la vie, le possible dans le réel, ce qui n'existe pas encore dans ce qui existe. Pragmatismus et Romantismus définit donc une opération contradictoire.

L'époque étant peu propice aux utopies collectives, il convient de considérer ce qu'il est possible de faire au sein d'une situation donnée, ici et maintenant. Si cette attitude pragmatique peut sembler déceptive, supposant de faire avec les circonstances, ce faire avec peut être interprété différemment selon le point de vue adopté : celui des grandes idées ou celui du processus, celui de la fin ou celui des moyens. Dans une optique pragmatique, faire avec consiste à s'inscrire au sein d'un processus, afin de se donner les moyens de changer une situation de l'intérieur. Le pragmatique faire avec contient ainsi un romantique faire contre. Parmi les artistes exposés, certains opèrent au sein d'une réalité tangible, dont ils extraient les matériaux et les formes d'un monde possible ; d'autres raniment un réel enfoui qu'on ne voit plus ou pas encore. Pragmatismus et Romantismus affirme « une volonté de bâtir, une utopie consciente qui loin de redouter la réalité, la traite simplement comme une tâche et une invention perpétuelles » (Robert Musil, L'homme sans qualités).

Parmi les artistes exposés, certains explorent le monde ordinaire, urbain et domestique. Manfred Pernice (lire l'article d'Aude Launay sur www.zerodeux.fr) et Guillaume Leblon s'intéressent aux formes architecturales du « décor qui nous comble et nous détermine » (Guy Debord). Les sculptures architectoniques du premier évoquent le modernisme mais aussi le kiosque citadin ou le bunker, reflétant la vie des gens et l'expérience de la rue. L'énorme structure minimale de bois brut et salie Palissade, de Leblon, appartient autant au monde de l'art qu'à celui du terrain vague. Quant au pylône EDF que Stéphane Vigny a reproduit en béton et en plus petit, il constitue lui aussi le fossile d'un monde récent. Ces oeuvres restituent une existence matérielle aux formes qui nous déterminent intérieurement et extérieurement ; si les formes se transforment, elles sont donc transformables.

D'autres artistes inscrivent leur pratique dans la vie ordinaire. Daniel Dewar et Grégory Gicquel s'immergent au sein d'un monde physique, où tout devient matériau, même les représentations. Isabelle Cornaro et Alicja Kwade interviennent, quant à elles, de façon discrète dans leur environnement. Alicja Kwade présente des cailloux taillés par un joaillier. Vanité vive d'Isabelle Cornaro compose un tableau cadré serré sur une main qui place, ôte et remet des objets sur une table. Le classique memento mori devient un pragmatique work-in-progress. Les objets ne sont plus des fétiches. Si la marchandise réifie les hommes, en retour ces artistes se saisissent des objets qui nous remplissent afin de construire un nouveau décor.

Évariste Richer, Franziska Furter et Giuseppe Gabellone concrétisent des existences lointaines : célestes, fantastiques et archaïques. Richer ramène le ciel sur terre, l'infini dans un objet fini, l'Himalaya dans une bobine de fil en cuivre. Les bas-reliefs de Gabellone, radicalement étranges, hors du temps et des styles, matérialisent la lutte primaire entre matière et forme. Les sculptures de Furter, sortes de végétaux de science-fiction, révèlent la dimension fantastique de l'ordinaire. Optant pour la lenteur, Dove Allouche et Katinka Bock montrent comment le mode de production agit sur nos représentations. Les dessins de Dove Allouche, fidèles reproductions de photographies d'un lieu réel, aplatissent ainsi l'image documentaire. Pour Katinka Bock, la forme procède d'une physique des matériaux, avec la fragilité comme horizon.

En valorisant les moyens mais en délaissant la fin, les artistes façonnent les matériaux d'un possible. Le réel redevient ce contre quoi on se cogne, ce que l'on peut tailler, découper, cuire, tresser : ce que l'on peut transformer.
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