La galerie Xippas est heureuse de présenter, pour sa seconde exposition monographique à Paris, les nouvelles peintures, photographies et dessins de Raha Raissnia.
Raha Raissnia décrit son œuvre comme appartenant au champs du « cinéma augmenté », dans lequel des pratiques simultanées de peinture, projections en direct et installations, composent un corpus d’œuvres qui se matérialise en tableaux, dessins, réalisations de films, et plus récemment photographies.
Les interconnexions disciplinaires dans l’œuvre de Raha Raissnia créent des mises en abîme complexes entre, et parmi ses œuvres : des éléments architectoniques et des géométries biomorphiques se font mutuellement écho dans ses dessins et ses peintures. Elle déplace les perspectives du regard entre anatomies internes d’organes vivants et circuits électroniques élaborés. Références et influences sont très consciencieusement choisies dans les similitudes entre les arts majeurs et la culture populaire, des dessins d’architectes et l’emmêlement d’un labyrinthe, le graffiti illicite du XXème siècle et la calligraphie classique Perse. La tension entre le futur et l’ancien, le mouvant et le fixe, la densité et le vide, tous ces paradoxes qualifient sa vision onirique sur l’émergence d’un futur biosynthétique. « Le sujet qui se trouve révélé dans beaucoup de mes images, écrit Raha Raissnia, porte sur la vulnérabilité de l’existence humaine dans la violence de la technologie, qui est en même temps évolutive et destructrice ».
Comme la plupart des aspects du travail de Raha Raissnia, la richesse visuelle qui s’accomplit dans le collage, la superposition et l’effacement, génère un double effet : d’un côté une dynamique élégante et entrelacée, parente de l’expérience sensible de la musique (dont elle est très imprégnée) et côtoyant l’ineffable, et d’un autre côté la puissance d’une anxiété chaotique, une incertitude exaltée du comment et du quoi lire dans ses œuvres. Les cadres dans les cadres, les bordures des pellicules de films et les limites des structures frénétiquement verticales créent une densité interne. Par extension cela conduit notre attention au-dehors, au-delà de l’œuvre, dans une exploration des limites, des dynamiques du réel et de l’imaginaire. Le spectateur est amené au seuil de l’objectivité, pour laquelle la délimitation figée du temps des peintures et des dessins, s’oppose à l’étirement du temps de son œuvre filmique. Ainsi, une histoire enfouie confronte un futur ambigu, et engendre une expérience synesthésique du présent.
L’œuvre de Raha Raissnia affiche une dimension contemplative, une suspension consentie de l’incrédulité, qui n’est pas sans rapport à l’expérience cinématographique. Cependant son travail est plus complexe car l’élément structurel/matériel exprimé dans son attachement pour la réalité tactile de la pellicule, la conjonction de chimie et de mécanique du film, induit une démystification du processus cinématographique plus que de sa représentation. Raha Raissnia est influencée par des artistes tels que Harry Smith, Bruce Connor et Jim Davis, jusqu’au compositeur Iannis Xénakis, sans oublier Francis Bacon. Peut-être pouvons-nous tirer un sens de cette myriade de filiations en se remémorant la phrase de Francis Bacon que Raha Raissnia a intériorisé dans son œuvre : la peinture n’est pas « une illustration de la réalité, mais une concentration de réalité et une sténographie de sensation. »
Raha Raissnia a quitté l’Iran pour les Etats-Unis en 1983. Elle est diplômée du School of the Art Institute of Chicago en 1992 et du Pratt Institute en 2002. De 1992 à 1995, entre ses deux diplômes, Raha Raissnia a travaillé comme stagiaire puis employée au Anthology Film Archives à New York, une période qu’elle qualifie comme « les années directement formatrices », au contact du cinéma d’avant garde, tout autant que les peintures qu’elle a réalisées à cette période.